Dandadan - Critique
Chasse aux esprits en couple
Trouver Science SARU, un studio habitué aux productions éclectiques, sur une adaptation du Weekly Shonen Jump est plutôt surprenant. Trouver le studio cofondé par Masaaki Yuasa, marqué son excentricité artistique, sur DAN DA DAN sonne presque comme une évidence. Le projet montre un peu plus l’ancrage du studio vis-à-vis des standards de l’industrie, loin des projets plus niches dont il a l’habitude. Toutefois, ce premier essai sur une œuvre à (très) large public ne se rate pas pour allier les uniques qualités de son staff à la fantaisie du manga d’origine.
Pour faire simple, DAN DA DAN raconte l’histoire d’un lycéen à la recherche de son testicule perdu. Certes, il y a bien quelques péripéties en amont pour en arriver là, mais nous tenons notre fil rouge. Le tout s’encapsule dans un récit riche et bavard où sciences occultes et sciences-fictions s’entrechoquent. Une identité pleinement incarnée par ses protagonistes, Momo, l’adepte des yokais, et Okarun, le fan d’extraterrestres, qui vont donc se retrouver à collaborer pour retrouver les testicules de ce dernier. La boucle est bouclée. Ah, et ajoutez-y des pouvoirs surnaturels de télékinésie et de symbiose avec un esprit, histoire de pimenter l’action.
Cela apparait comme une évidence dès le premier épisode, mais DAN DA DAN propose un univers particulièrement singulier. Il mélange allègrement aliens et créatures fantastiques, au point de parfois brouiller leurs frontières. La série reprend largement à sa sauce des bases connues, soit pour les détourner, soit pour les entremêler pour donner un ensemble esprits-aliens étrangement cohérent. Ce qui engendre des moments assez mémorables, comme quand les protagonistes doivent faire face à un Nessie extraterrestre aux capacités terrifiantes.
Cette base est aussi riche qu’elle est divertissante à suivre. Et avec les pouvoirs surnaturels de ses protagonistes, il y a là un cocktail explosif qui promet de ne jamais être ennuyeux. Surtout que la série ne se prive pas d’être explosive dans ses affrontements, avec des « coups de boosts » bien sentis et des adversaires redoutables et impressionnants (comme un crabe, si si). Momo est peut-être celle qui tire le mieux son épingle du jeu, régulièrement mise en lumière dans les séquences d’action où Okarun est plus souvent en retrait – ce qui se justifie par le scénario.
Une fougue qui s’incarne aussi par le visuel. Dans le character design, on retient celui des yokais et autres aliens, comme l’intimidante Mémé Turbo. Pour les aliens, les écœurants Serpos arborent des inspirations évidentes de l’esthétique tokusatsu. L’auteur du manga original, Yukinobu Tatsu, cite explicitement Tohl Narita, le character designer iconique de la série des « Ultra », comme une inspiration majeure pour sa série. Des étrangetés également exprimées par la bande originale aux sonorités électroniques assez remarquables de Kensuke Ushio, toujours aussi doué pour s’adapter à tout type d’atmosphère.
Pour le reste, le staff cinq étoiles de l’anime mis en place à Science SARU laisse parler son talent. On peut souligner la participation du tout jeune réalisateur Fuga Yamashiro (32 ans), dont les idées de mises en scène sont efficaces dans tous les registres sollicités par la série. Impressionnant pour une première réalisation, même en ayant fait ses gammes sous l’égide de Masaaki Yuasa sur Eizouken et Inu-Oh. D’autant que l’homme n’est pas issu des canaux classiques de l’animation, mais plutôt de la production, ce qui ne l’empêche pas de faire preuve d’un sens artistique rigoureusement aiguisé.
Enfin, le visionnage parle de lui-même, mais l’animation est au niveau de tout ce qui a été évoqué jusqu’alors. On perçoit les nombreux talents sollicités dans la production, avec de nombreuses séquences d’anthologies, sans nécessairement se cantonner aux scènes d’action. Dommage que cela signe également un peu plus la normalisation de Science SARU, toujours plus en accord avec les standards infernaux en matière de planning de l’industrie, et moins avec le refuge artistique qu’il pouvait représenter à l’origine.
L’autre force, pourtant moins soupçonnée, de DAN DA DAN réside en son écriture génialement chaotique. Ses deux protagonistes affichent ainsi une alchimie évidente, malgré (ou, plutôt, grâce) à leurs personnalités diamétralement opposées. Le combo « gyaru x nerd » fonctionne toujours aussi bien et assimile la série à certains classiques de la romcom. Tant mieux, car la série en est franchement une, avec une romance principale qui sait prendre son temps tout en donnant la place qu’il faut aux sentiments de ses personnages. Venez pour l’action déjantée, restez pour les idiots amoureux.
La série est un savoureux mélange improbable de cultures et de genres au sein duquel les personnages parviennent malgré tout à exister aisément. Outre le duo principal, c’est l’ensemble de leurs dynamiques avec le reste du casting qui sont excellentes. Cela donne parfois un ton très extraverti à la série, voire criard, lui donnant une personnalité très marquée, à défaut d’être au gout de tous. DAN DA DAN aime aussi surprendre en calant, entre deux histoires absurdes de crabe vengeur, des moments bien plus émouvants. Le contraste fonctionne parfaitement pour surprendre avec ces bascules soudaines sur du très sérieux. Il ne faudrait juste pas que cela devienne une vilaine habitude, la mécanique derrière étant rapidement évidente.
Verdict
Derrière son postulat farfelu, DAN DA DAN cache plutôt bien son jeu. La série a bien plus de cœur que l’on pourrait s’y attendre, surtout venant d’un shonen d’action de cet acabit. On ne boude pas le plaisir d’avoir une romance sincèrement touchante au milieu de bastons improbables entre extraterrestres et esprits. La production assure malgré ses souffrances en coulisse, pour ce qui est un bien triste standard de la japanime actuelle. D’ici à ce que les choses s’améliorent (espérons-le), les 12 épisodes sont à voir sur Crunchyroll et la saison 2 a été annoncée pour juillet 2025.